Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                                      LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE

 

CHRONIQUES ET ANECDOTES 1740 – 1742

Relevées par J. REY, mars 2000

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Sous ce titre, la Société d'Histoire vous proposera régulièrement des récits provenant des archives de la ville.

Ces récits sont le reflet des travers, des coutumes, des façons de penser, des manières d'être de nos lointains concitoyens.

Pour qu'ils gardent toute la saveur de l'époque, seuls certains mots, certaines tournures, ont été modifiés. Pour les lecteurs amateurs de vieux français, nous avons conservé certains passages dans leur version originale.

Nous sommes en janvier 1740 sous le règne de Louis XV La grande préoccupation des Revélois à cette époque semble être la peur des incendies.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De nouveaux moyens de lutte contre les incendies.

 

Dans la ville de Revel et hostel de ville le vingt quatrième janvier mil sept cens quarante.

 

Propositions de Monsieur de Laplagniolle, maire de Revel, au sujet des incendies.

Les incendies sont extrêmement fréquents en cette ville et ce n'est qu'avec une peine infinie qu'on trouve des seaux et autre vaisselle tenant l'eau pour éteindre le feu. Comme il met rapidement la ville en danger de périr par un incendie général, seuls les premiers secours peuvent la sauver.

Il conviendroit que l'on achetât cent paniers d'osier faits à peu près comme des saladiers qui tinssent cinq pintes d'eau (1). Lesdits paniers seraient garnis en dedans de parchemin et seraient pendus à la Maison de ville (2) pour au premier coup de cloche être pris par ceux qui courent au feu. Ils les empliront chemin faisant dans le bassin de la grande fontaine (3). A cet effet, il sera fait un petit empalement (4)  de fer au dit bassin avec son cadenas pour que personne ne puisse le vider dans la nuit. La communauté pourrait pourvoir à leur entretien en condamnant à une amende de dix livres tous ceux qui mettraient le feu par imprudence et négligence notamment aux cheminées. Ladite amende serait payée par les délinquants au receveur que l'assemblée nommera à cet effet.

 

 

 

Le récit suivant qui se situe un mois après le précédent nous montre que cette crainte du feu était tout à fait justifiée.

 

 

Grand incendie rue du Temple.

 

Délibération du conseil politique  (5) du vingt cinquième février mil sept cens quarante.

Le feu a pris la nuit du dimanche vingt et unième à environ huit heures du soir, dans la grange du nommé Beaujeu, boulanger, grange située dans l'enclos de la présente Ville, du côté de septentrion, depuis le ruisseau Mayral (6)  supérieur jusqu'à l'autre côté de ville qui regarde le couchant. .

A peine ce feu déclaré, le voilà qui gagne à côté la maison du sieur Teste, bourgeois, puis celle du sieur Loiseau, maître apothicaire.

 Grâce au secours qu'ont donné les charpentiers et maçons de la présente ville, par ordre et présence de messieurs les premiers magistrats qui ordonnèrent de couper une partie de la maison du sieur Teste et de celle du sieur Conques, en même temps qu'ils demandèrent le secours des autres habitants promettant de payer tous les manouvriers et journaliers; ainsi grâce à ce secours et à celui de Dieu, ils sauvèrent la ville de l'incendie général dont elle était menacée. Charpentiers, maçons, manouvriers luttèrent de toutes leurs forces jusqu'au lendemain lundi 22 et ne se retirèrent qu'à quatre heures du soir.

Comme les manouvriers ont besoin du secours alimentaire immédiatement après leur labeur et qu'ils ont été engagés par le sieur de Puiredon, premier consul, jusqu'au mardi 23, ils furent le mardi 23 en foule devant sa porte pour lui demander paiement ce que le sieur de Puiredon fit en leur distribuant jusqu'à la somme de 40 livres.

Les paiements sont faits en présence de maitre Antoine Cailhasson conseiller politique et parce que lesdits charpentiers et maçons ont exposé leurs vies en cent occasions dans cet incendie, qu'ils ont heureusement secondé par leur travail la communauté, il paroit juste qu'elle leur donne une gratification et récompense proportionnée aux périls où ils ont été exposés pendant toute la nuit.

En outre indemnisé le nommé Pradilly, charpentier de 34 ans, pour une arminette qu'il a perdue ou qui a esté ensevelie.

Comme aussy indemnisé le nommé Cordier d'un cable qu'il preta aux magistrats et qui s'est brullé ou perdu, et attendu que les magistrats après avoir dans cette occasion uzé tous leurs flambeaux furent encore obligez d'envoyer chercher ceux des particuliers qu'ils sçavoient en avoir et que les uns et les autres furent entièrement uzés, il importe que les magistrats ne restent sans flambeaux et il est juste qu'on paye ceux qu'on a empruntés et encore attendu que la maison du sieur Conque a été sacrifiée pour sauver toute la ville au moyen de la destruction d'icelle et notamment trois chambres au levant que d'ailleurs ledit Conques est connû de toute la communauté dans une estreme indigence et que conséquemment il est dans l'impuissance de les relever il paraît aussy juste que la communauté les indemnise. »

 

Déni de justice.

 

Du sixième juillet mil sept cens quarante deux, dans la ville de Revel, en l'hostel de ville, par devant nous Marc Antoine Auriol de Laplagniole conseiller du Roy et maire de la ville, seigneur de Dournes.

A comparu sieur Estienne Bénézet, docteur en médecine de la faculté de Montpellier, demeurant en cette ville, lequel nous a dit se plaindre contre le sieur Guibert, second consul, du déni de justice fait par le sieur Guibert au sieur Bénézet.

Le seize juin dernier, de ce qu'ayant requis ledit jour au sieur Guilbert d'assembler la police à l'occasion de certaines immondices jetées par la fenêtre de la maison du sieur Pougeal sur l'habit du sieur Bénézet plaignant, le sieur Guilbert répondit qu'il ne lui plaisait pas, sur quoi, le sieur Bénézet prit à témoin les sieurs Jean Pont, Guillaume Massia et René Peyronnet et qu'il se pourvoirait. Le sieur Bénézet sur notre ordre et sa main levée à la passion figurée de notre seigneur a dit et affirmé sa plainte contenir toute la vérité.

Signé : Bénézet.

Audition du sieur Massia, chirurgien.

Et à l'instant ayant mandé venir ledit sieur Massia, lequel est présent , sa main levée à la passion figurée de notre seigneur Jésus a promis et juré de dire la vérité sur le contenu de la plainte.

Dépose que ledit jour seizième, étant au loin de la garlande entendit que ledit Bénézet requit le sieur Guibert d'assembler la police à cause des immondices qui avaient été jetés sur son habit, lequel répondit au sieur Bénézet : « Qui êtes-vous? » Ledit Bénézet dit : « Je suis médecin et quand on m'appelle pour voir les malades j'y vais et vous ne voulez point assembler la police. » Le sieur Guibert répondit que le sieur Dumas, autre victime, avait pardonné la femme qui avait jeté des immondices et qu'il pouvait bien lui aussi la pardonner et qu'il ne lui plaisait pas d'assembler la police.

Signé : Massia.

Audition du sieur René Peyronnet, maître chirurgien de la présente ville moyennant serment par lui prêté sa main levée à la passion figurée de notre seigneur a promis et juré la vérité sur le contenu de la plainte du sieur Bénézet.

« Dépose que le seise juin dernier, estant en compagnie du sieur Antoine Guibert, second consul, assis sur le tablier de la maison du sieur Daurès , il entendit le sieur Dumas qui se plaignoit contre une femme qui avait jeté quelques immondices par la fenêtre de la maison du sieur Pougeal, et qu'un moment après, ledit Bénézet vint porter sa plainte au sieur Guibert contre ladite femme qui avait gâté son habit en jetant des immondices et requit d'assembler la police, à quoi ledit Guibert répondit qu'il n'avait qu'à pardonner comme le sieur Dumas. Le sieur Bénézet dit qu'il n'en voulait rien faire et le sieur Guibert dit : « Vous n'avez qu'à faire comme vous voulez ! ... »

Signé : Peyronnet.

Aucune trace de la décision du conseiller du Roi n'ayant été retrouvée, il est probable que la coupable a été pardonnée.

 

1790 - Une maison malfamée.

 

18 juin 1790 dans la maison commune de Revel assemblés en CONSEIL_MUNICIPAL,

Messieurs Cailhasson de Calvairac maire, Viguier, Barthe, Escaffre, Noel, Vidal, officiers municipaux, Durand procureur de la commune.

Monsieur Durand procureur de la commune prenant la parole a dit : « Messieurs,

malgré toutes les sages mesures que vous avez prises pour faire jouir les citoyens de cette ville de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, il est un abus énorme qui s'est glissé et que nous dénonçons aujourd'hui, fermement persuadés que vous allez subitement interposer votre autorité pour le réprimer.-Il est une maison dans la rue de Toulouse dite des Sœurs que messieurs les administrateurs du Bureau des Pauvres de cette ville ont loué afin que l'honnête indigent y trouvât un lieu de retraite ; mais personne ne surveillant ceux qui s'y sont retirés, ce lieu, il n'y a guère école de charité est devenue une école de débauche et de prostitution. Cinq filles ou femmes et un homme habitent ce lieu et y vivent de la manière la plus condamnable. Les propriétaires des maisons qui l'avoisinent sont obligés de se tenir sans cesse en garde contre les libertins qui s'y présentent tous les soirs ; les uns ont été assaillis sur leurs portes, d'autres ont reçus des coups de pierre à leurs fenêtres par ces libertins, afin d'éloigner tout ce qui pourroit les faire rougir dans le jour des obscénités auxquelles ils se livrent pendant la nuit. Cette maison est enfin l'asile de toutes les horreurs et des plus grands crimes.

Une fille du nombre de celles qui l'habitent, nommée Duprix ou vulgairement vérole, mit hier le comble à sa scélératesse en étouffant un part (7) dont elle était enceinte depuis sept mois. Pour toutes ces considérations, nous croyons que le conseil municipal doit ordonner que les quatre filles ou femmes et l'homme qui habitent cette maison, la Duprix exceptée, seront condamnés de par le jour vuider la maison dont s'agit faute de ce que leurs personnes et meubles seront mis à la rue, avec injonction de tenir une conduite régulière à l'avenir, à peine de punition exemplaire.

Et à l'égard de ladite Duprix, accusée d'avoir étouffé son part, vu l'état de démence où elle se trouve depuis longtemps, ordonne qu'elle restera dans ladite maison pour y être soignée jusqu'à ce qu'elle puisse sans danger de perdre la vie être transportée dans une maison de force (8) où elle sera enfermée pour le reste de ses jours. C'est ce à quoi nous concluons et cela dit Monsieur Durand signe. »

Le CONSEIL_MUNICIPAL délibérant sur le réquisitoire de Monsieur le Procureur de la Commune a ordonné que dans le délai de dix jours, à compter de celui de la notification de la présente ordonnance, toutes les personnes habitantes de la rue de Toulouse louée par Messieurs les administrateurs du Bureau des Pauvres seront tenus de déguerpir de ladite maison; arrête de plus que d'ici à cette époque il sera pris dans le quartier des informations sur le compte de la fille Duprix surnommée Vérole, ce d'après le résultat des dites informations seront faites toutes les poursuites qui seront jugées nécessaires.

Signé: Cailhasson de Calvairac, maire.

 

    1. -  Rixe chez le sieur Julien aubergiste.

 

Du trente novembre mil sept cens quatre vingt onze.

Le tribunal de police Municipale extraordinairement assemblé, Monsieur Molles a rapporté que hier à huit heures du soir, il fut requis de se transporter chez le sieur Etienne Julien, aubergiste, où il trouva la garde et plusieurs personnes assemblées entre autres un dragon du 15e régiment appelé Philippot qui se plaignait d'avoir été maltraité et le nommé Brissac, trompette du dit régiment qui réclame un assignat (9) de 5 livres. S'étant enquis du tumulte qui régnait encore dans l'auberge, il apprit que lesdits Philippot et Brissac s'étaient rendus dans ladite auberge pour y boire une bouteille de vin. Ledit Brissac donna avance d'avoir bu un assignat de 5 livres en payement. La femme dudit Julien faisant quelques difficultés de le recevoir et de le rendre, celui-ci remit alors dix sols de monnaie. S'étant pris de propos, ledit Julien survint et après avoir maltraité en propos lesdits dragons et voulant leur enlever la bouteille qu'ils avaient devant eux, le nommé Philippot s'y opposa et voulut arracher la bouteille des mains dudit Julien. Celui-ci se plaignit d'avoir été blessé au pouce. C'est alors que ledit Molles s'est présenté et a ordonné aux personnes qui étaient présentes de se retirer. D'après le rapport du sieur Molles ledit Etienne Julien, la femme et son fils aîné ainsi que la nommée Annette Redon leur servante, Georges Emmanuel, teinturier, les époux Poitevin, Jacques Guiraud, tous habitants de Revel témoins tant pour lesdits Julien que pour lesdits Philippot et Brissac ayant été mandés, il ressort que ledit Etienne Julien s'étant approché de la table où étaient lesdits Philippot et Brissac, il les avait traités de gueux, de polissons et de mauvais sujets et qu'il avait voulu leur arracher la bouteille des mains quoique sa femme eut reçu le prix du vin ; qu'il résulte aussi que la femme dudit Julien a rendu l'assignat au dit Brissac, attendu encore que le fils Julien a déclaré devant le tribunal qu'il avait provoqué ledit Philippot en lui disant nous nous verrons demain matin, je pense que vous êtes un brave homme... En conséquence le tribunal de la Commune décide que ledit Julien soit condamné à une amende de 12 livres pour avoir troublé l'ordre qui doit régner dans son auberge et insulté ses hôtes, soit condamné ledit Jean Julien fils pour avoir provoqué ledit dragon et troublé l'ordre républicain et l'intelligence qui régnait avec la troupe à 24 heures de prison correctionnelle et que Monsieur le commandant du 15e régiment sera prié d'exhorter les soldats Philippot et Brissac de s'abstenir pour un temps d'aller dans ladite auberge et de bien vouloir caserner la troupe à huit heures du soir cet hiver pour éviter toute rixe.

Au moment de rendre le jugement, Mr Vidal l'un des juges du bureau, voulant sans doute éviter d'opiner s'est retiré laissant le délit impuni, exposant ainsi les citoyens à de nouveaux chagrins, je requiers Mr Salvat, greffier, secrétaire de la Municipalité de signifier à Mr Vidal ma présente réquisition afin qu'il veuille opiner incessamment ou déclarer le bureau de police incompétent le rendant (par défaut) responsable des suites fâcheuses que l'inexécution de la Loi pourrait entraîner.

Signé: BLANC, procureur de la Commune.

 

Trouble sur la voie publique.

 

L'an mil sept cens quatre vingt douze,

Ce sept décembre à quatre heures et demie du soir, nous Marc Bermond, officier Municipal, avons aperçu qu'il y avait une assemblée au couvert de la volaille (10), près de la maison de Madame Mouch.

A l'instant nous sommes allés sur place et nous avons vu un homme tenant en main une épée nue à fourreau menaçant le premier qui s'avancerait de la plonger sur lui. Nous lui avons ordonné au nom de la Loi de se retirer et de nous suivre, à quoi il s'est obstiné et sur son refus, nous avons invoqué la Loi en ordonnant à plusieurs citoyens de se saisir de sa personne de même que de son arme ce qui a été promptement exécuté , ayant été obligé de le faire. Traîné à cause de sa grande résistance, nous l'avons fait mettre dans nos prisons et de suite rédigé le présent verbal dans la maison commune, en présence de Molles, Izard, officiers municipaux, de Blanc procureur, auquel il sera délivré un extrait du présent pour poursuivre le délit devant qui de droit. L'épée a été remise en notre greffe, lequel nous avons signé.

 

Du 8 décembre 1792.

D'après les informations prises par la police Municipale sur la conduite du nommé Hébrard qui fut emprisonné hier, ainsi qu'il est dit par le verbal ci-dessus, toutes les attestations que nous avons prises nous conduisent à penser que la mauvaise conduite du dit Hébrard ne peut être attribuée qu'à son ivresse.

La Municipalité après l'avoir gardé vingt quatre heures en prison a procédé à son élargissement.

Signé: Bermond.

 

 

Un artiste revélois méconnu.

 

Ce jour huit août mil sept cens quatre vingt douze.

Je soussigné Arnaud Olivier, artiste vétérinaire du district de Revel, habitant en cette ville, certifie avoir été requis par Mr Blanc, maire de Revel, à l'effet de procéder à la visite de la viande d'une génisse qu'on a tuée à la boucherie.

Je l'ai examinée très attentivement, j'ai reconnu qu'il y avait un engorgement inflammatoire sur les côtes, du côté gauche, qui pénétrait à l'intérieur. Conséquemment, j'ai jugé que la viande de la dite bête n'était point mangeable, en foi de quoi j'ai signé le présent rapport.

Signé: Olivier
Artiste vétérinaire.

 

1- Cinq pintes d'eau : 4,5 litres environ

2 - La Maison de Ville : l'Hôtel de Ville, la Maison Consulaire (l'actuel Office du Tourisme.)

3 - La grande fontaine : située au S.O. de la Halle.

4 - Empalement = petite vanne

5- Conseil politique : CONSEIL_MUNICIPAL (du grec polis = ville).

6 - Mayral supérieur : venant de Port-Louis par la Guirguille, il traversait la ville en passant par l'actuelle rue du Temple.

7 - Un part : un nouveau- né

8 - Maison de force : un asile

9- Assignat : obligation à taux garanti de 5 puis 3 pour cent. Devant la dépréciation des assignats beaucoup de citoyens échangeaient leurs assignats contre de la monnaie métallique dès 1791.

10 - Couvert de la volaille : galerie du couchant.

 

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